Pour certaines personnes, le confinement printanier de 2020 leur a permis d’apprendre à faire du pain. Pour d’autres à prendre soin de soi et de son intérieur. D’autres encore en ont profité pour se lancer dans un projet : écrire un livre, devenir prof de yoga ou même envisager une installation à la campagne. Et puis il y a Amandine et Nicolas qui ont tout envoyé valser pour réaliser un rêve un peu fou : vivre sur l’eau. Dès le déconfinement, ils se sont jetés à corps perdus dans la préparation, la recherche etc. Ils ont mis les voiles pour la première fois au début du mois de février et nous expliquent pourquoi ils ont dit « oui » à une vie sur un voilier.

Parlez moi un peu de vous deux.

Nous nous sommes rencontrés quand j’étais en terminale. Nicolas était mon professeur d’EPS. Nous avons entamé une relation épistolaire avant de nous installer ensemble. J’ai poursuivi des études de lettres modernes à Compiègne et Amiens en Picardie pour devenir professeure. Nous sommes mariés depuis 2019 et rien ne nous prédestinait à vivre en mer un jour : nous sommes de vrais terriens ! 

Après le premier confinement, vous envisagez sérieusement de quitter la terre pour vivre sur l’eau. Racontez nous comment le projet est né.

Une fois mes études pour devenir professeure achevées, on s’est demandé à quoi ressemblerait notre avenir. Ce que l’on voulait et ce qui serait le plus cohérent avec nos valeurs. Acheter une maison, avoir un boulot, vivre le train-train quotidien ne nous attirait pas. On souhaitait vivre autrement, de façon atypique. A l’image de notre couple en fait. Et puis, on voulait être libres et libérés des jugements et des difficultés auxquels nous faisions face depuis longtemps. On s’est dit qu’on devait partir au bout du monde, loin de tout pour vendre des poissons ou des ananas ! (rires) Et puis, Nico m’a lancé une fois : « Et si on achetait un voilier pour faire le tour du monde ? ». Voilà comment le projet est né.

Quel élément vous a poussé à prendre la décision ?

Un épuisement intense, une lassitude, un immense questionnement sur le sens et le but de la vie. Nous avons tous les deux très mal vécu le confinement. On était très mal, dégoutés, fatigués d’affronter des problèmes depuis si longtemps… Mais ce confinement a quand même eu quelque chose de salvateur : on est heureux lorsque l’on est ensemble. On s’est énormément rapprochés, on a beaucoup discuté, on s’est retrouvés en quelque sorte. 

Quel rapport avez-vous avec la mer, les bateaux, la navigation… ? 

Rien ! On ne connaissait rien à tous les niveaux : ni à la mer, ni à la navigation, ni aux bateaux. Mais sur un voilier, il y a une liberté de mouvement, on est dans un mode de vie plus écolo et respectueux de l’environnement. Tous les deux, nous en avions marre du sur-consumérisme : gagner de l’argent pour dépenser tout le temps, acheter pour avoir plus, polluer… On veut vraiment profiter du temps que l’on a ensemble.

Comment prépare-t-on un départ comme celui-là ?

Il faut faire les choses dans l’ordre : apprendre un maximum de choses sur la navigation, mais aussi déterminer le type de bateau qu’on souhaite, quels équipements, quelles exigences… Il y a beaucoup de démarches à faire, beaucoup de choses à vendre, rendre notre location, faire toutes les résiliations, se (re)domicilier, contracter un crédit… Bref : prendre son temps pour établir une liste en y prenant du plaisir bien sûr ! 

Est-ce qu’une association ou un organisme vous a accompagnés durant la préparation ? 

Nico a suivi des stages de voile habitable à La Rochelle notamment avec « Yakapartir ». C’est cher donc je n’ai pas pu les suivre. Nos quelques économies sont parties dedans. De mon côté, j’ai dévoré « Le cours des Glénans » et d’autres livres. On s’est beaucoup renseignés sur les réseaux sociaux avec de nombreux voileux qui sont devenus des copains aujourd’hui. Ils nous ont aidés pour choisir le bateau, donné des conseils sur les pièges à éviter, les bons plans à surveiller etc. 

Financièrement, comment avez-vous procédé ?

Nico avait un revenu stable qui nous permettait de vivre correctement durant mes études mais son divorce lui a coûté cher. De mon côté, mon salaire nous a permis de garder près de 1 200 euros chaque mois. On a ensuite tout revendu et récolté environ 4 000 euros. Nico a obtenu une rupture conventionnelle, avec une belle prime, en attendant sa retraite en avril prochain. Ça nous a bien aidé à rembourser un crédit déjà en cours et en reprendre un nouveau pour acheter notre bateau. C’est bien moins cher qu’une maison et financièrement, on s’y est bien retrouvés. On est donc propriétaires d’un Océanis 393 clipper de 2006, tout équipé grand voyage et en excellent état !

Comment l’avez-vous annoncé à votre entourage ? Comment ont-ils réagi ? 

Nico a des enfants de sa précédente union, tous ont plus de vingt-cinq ans, et ne lui parlent plus. Son cousin a bien réagi et l’a énormément encouragé à aller au bout de ce projet. Ma mère, dont je suis très proche, avait quelques craintes mais nous a poussés à poursuivre notre but. Mes deux frères, l’un a 19 ans et l’autre 4 ans, ne se rendent pas encore compte de ce que c’est. Mais nous avons été assez bien épaulés par nos amis, ils ont été d’un grand soutien. Certains nous ont même hébergé avant de partir. Quelques personnes m’ont tout de même demandé : « et ta retraite à toi, tu n’y penses pas ? ».

Et vous n’y pensez pas ? 

Ma retraite, je peux espérer l’avoir dans quarante ans au moins et comme je ne sais même pas où je serai demain, à quoi bon y penser déjà ? Certaines personnes travaillent toute leur vie pour mourir avant d’arriver à la retraite, j’ai même déjà vu ça dans ma famille. Donc je me dis qu’il vaut mieux en profiter tant que je suis en vie. Je me débrouillerai le moment venu ! 

Vous venez tout juste de partir. Avec-vous un itinéraire en tête ? Une durée de voyage ? 

Nous n’avons pas de « dead-line ». Ce bateau est notre seul bien, c’est notre maison ! Nous y vivrons longtemps. Nous y avons emménagé il y a un mois (début février, ndlr) et nous avons commencé par de petites navigations. Le but est que j’apprenne, que je m’habitue et que nous prenions tous les deux nos marques. On veut vraiment apprendre à connaître notre rafiot avant d’entreprendre un voyage plus long. On a aucun emploi du temps, on veut juste profiter du moment présent. On aimerait bien naviguer jusqu’en Corse, faire la Sardaigne, les Baléares. Et puis après, l’Italie, la Croatie, la Tunisie et la Grèce évidemment. Notre objectif serait de faire la transatlantique (rejoindre l’Amérique en bateau, ndlr) d’ici quelques années.

Si l’expérience ne vous plait plus, avez-vous un plan B ? 

Si ce mode de vie ne nous plait pas, ou plus, on avisera. Nous n’avons pas pensé à un plan B pour tout vous dire, on est sûrs que ça nous plaira. Peut-être est-ce orgueilleux ou naïf d’y croire ?

A quoi ressemblent vos journées en ce moment ? 

On a des journées remplies. On a emménagé sur le bateau, décoré l’intérieur, monté les voiles, fait des révisions. On a aussi appris à utiliser l’électronique et d’autres éléments du bateau, on navigue aux alentours du golfe de Fos. En attendant le soleil et les séances de bronzette, on joue au poker, au Scrabble. Je lis et j’écris beaucoup aussi.

Comment vivez-vous aujourd’hui ? Avez-vous préparé l’avenir financièrement ? 

Nous avons quelques économies, nous sommes tous les deux inscrits au Pôle Emploi et en avril, Nico percevra sa retraite. Nous sommes en quelque sortes tranquilles de ce côté. Et puis, la vie sur un voilier coûte bien moins cher que notre ancienne vie « sur terre ». Nous n’avons pas de frais, pas de charges, hormis l’assurance, le crédit du bateau et nos courses hebdomadaires !

C’est peut-être encore trop tôt pour y réfléchir mais je demande : qu’est-ce que cette expérience vous a appris sur vous-même jusqu’à présent ? 

Ce n’est pas trop tôt car on a déjà appris énormément. On a appris à travailler ensemble, vers un même projet et ça, ça nous a beaucoup rapprochés. On a aussi appris à être patients et à rester humble face à cet élément qu’est l’eau. Nous ne sommes rien face à cette étendue, ce qui compte ce n’est pas le « tourbillon de la vie » mais l’humain et la nature. Nico lui, a appris qu’on peut s’affranchir à n’importe quel âge, devenir une personne à l’opposée de celle qu’on a été la majeure partie de sa vie. 

Sans cette crise sanitaire, seriez-vous partis ? 

Je pense que oui, car le projet était déjà là. La crise nous a juste confortés dans notre désir et notre envie d’y arriver.

Si vous aviez en face de vous Amandine et Nicolas un an avant votre départ en bateau, qu’auriez-vous envie de leur dire ? 

On ne leur dirait rien parce qu’il n’y a rien à refaire ou à changer. Tout s’est passé comme ça devait se passer et c’était très bien comme ça ! 

Pour suivre Amandine et Nicolas sur les flots, cliquez ici !

 

 

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