« Riposte Féministe », le long métrage qui va mettre en lumière le mouvement des colleur.euses

par | Mar 8, 2021 | Sociétés | 0 commentaires

Peinture de slogans sur le tournage de Riposte Féministe – Crédit : Palmeraie & Désert

Pour ce 8 mars, journée internationale des Droits des femmes, place à une importante initiative qui devrait voir le jour début 2022, avant les présidentielles idéalement. Il s’agit de « Riposte Féministe », un long métrage documentaire de cinéma co-réalisé par la curatrice en art Marie Perennes et le réalisateur de film Simon Depardon.  Le jeune duo a amorcé un tour de France pour suivre les différents collectifs de collage mais le tournage a commencé aujourd’hui. Car, cela ne vous aura pas échappé, depuis plus d’un an, des personnes engagées et volontaires collent messages, chiffres ou noms de femmes victimes de féminicides sur les murs. Pour préserver l’action de ces féministes nouvelle génération dans le temps, Marie et Simon ont décidé de leur dédier un film.

Marie, peux-tu nous expliquer comment vous est venue l’idée de tourner « Riposte Féministe » ?

On a commencé à y penser l’été dernier. En collant quelques fois à Paris, j’ai fait des rencontres incroyables. Le collage dans les rues est une action directe mais par essence éphémère. Il nous semblait important de laisser une trace de ce mouvement et de le rendre accessible au plus grand nombre.

Comment procédez-vous pour le tournage ?

Le tournage débute aujourd’hui car nous savons depuis peu avec Simon que le film sera co-produit par Palmeraie & Désert et France 2 Cinéma. Il sera distribué en salles par Wild Bunch. Tout devient donc concret, on sait que ce film va exister. Mais on avait évidemment déjà fait pas mal de repérages en débutant notre tour de France pour aller à la rencontre des colleur.euses.

Pourquoi le terme « colleur.euse », qu’est-ce qu’il signifie ?

C’est la contraction des mots « colleur » et « colleuse » pour être plus inclusif. Le collectif fonctionne en mixité choisie, c’est-à-dire que les hommes cis (ou cisgenre, personne de sexe masculin qui se considère comme tel, NDLR) ne sont pas acceptés. Seules les femmes, les personnes trans et non binaires (individu qui se définit en dehors de la dualité homme-femme, NDLR) le sont. Par ailleurs, ce mot de « colleur.euse » est fort au niveau des sonorités car il n’est pas sans rappeler les mots « colère » et « heureuse ».

Peux-tu nous parler un peu plus de ce mouvement ?

C’est un collectif qui est né à Paris d’abord pour dénoncer les féminicides par des chiffres ou des noms de victimes placardés sur les murs de la ville afin de rendre le sujet visible aux yeux de tout le monde, y compris les femmes concernées qui, en passant devant, réalisent qu’elles ne sont pas seules. C’est un mouvement pacifiste et empli d’amour qui dénonce les violences faites aux femmes au quotidien. Puis, petit à petit, ce mouvement a pris de l’ampleur dans d’autres villes de France. Des endroits où ça a été plus difficile à faire accepter. Il a fallu redoubler de pédagogie et faire comprendre que les colleur.euses ne sont ni des hystériques ni des personnes qui dégradent contrairement à ce qu’on a pu voir dans certains médias. C’est un mouvement très fort grâce aux réseaux sociaux car hyper connecté et donc plus visible. Aujourd’hui, le collectif a élargi ses messages en abordant des sujets plus généraux et notamment plus sur l’intersectionnalité (situations de personnes qui subissent simultanément plusieurs formes de discriminations dans la société, NDLR).

Une soirée de collages à Carnon-Plage – Crédit : Palmeraie & Désert

Peut-on parler d’un nouveau féminisme ?

C’est surtout une nouvelle vague du féminisme car le collectif à de nouveaux moyens d’expression aussi. Les réseaux sociaux aident beaucoup à se faire connaitre mais il faut savoir que les militantes subissent aussi des raids sur les réseaux, des attaques frontales. Alors qu’elles sont pacifistes et sont autant dans la sororité (la solidarité entre femmes) que l’adelphité (de la racine grecque « adelph- » qui a donné les mots grecs signifiant soeur et frère, il s’agit donc d’une solidarité plus mixte, plus englobante, NDLR). On dit que la parole s’est libérée mais les femmes ont toujours parlé. C’est juste qu’on les écoute enfin davantage. Par ailleurs, le fait de coller dans la rue, cet espace publique qui appartient soit disant à tout le monde n’est pas annodin. Car c’est encore aujourd’hui difficile pour les femmes d’être dans la rue. Contrairement aux hommes, elles n’y restent pas car elles n’y sont pas en sécurité. Néanmoins, elles y passent et potentiellement devant les affiches. Les hommes aussi. Tout le monde n’a pas le choix que de voir ces messages. Et chez certains et certaines cela peut faire un déclic.

Comment ça se passe pour filmer ces collectifs ? Vous avez été dans plusieurs villes déjà ?

Nous sommes déjà allés en repérage à Montpellier, Lyon, Nîmes, Compiègne, Amiens, Lille et bien d’autres villes encore. C’est ça qui est super, c’est qu’il y en a partout en France. Par essence, leurs actions directes sont éphémères. Il devenait urgent d’immortaliser leur travail et leurs engagements. On s’immerge alors donc avec des groupes du mouvement pendant plusieurs jours qui nous accueillent à chaque fois volontiers. Il s’agit d’un film en cinéma direct. Ce n’est pas en mode journalistique. Nous sommes une équipe de quatre avec deux caméras et un ingé-son. On les suit pour qu’elles puissent s’exprimer. C’était important aussi que l’on co-réalise ce film à deux pour créer un espace safe, intime et aussi pour montrer que l’on ne piége personne et qu’absolument tout le monde est concerné.

Qu’est-ce qui t’a déjà le plus marqué depuis le début que vous travaillez sur ce projet ?

En juillet dernier nous étions à Montpellier. Il y avait un rassemblement place de la Comédie contre Gérald Darmanin qui venait d’être nommé ministre de l’Intérieur. Il devait y avoir entre 400 et 500 personnes et pendant quatre heures environ, les gens se sont succédés au micro pour témoigner. Certaines personnes disaient que depuis que les colleuses existaient, elles se sentaient moins seules ou avaient davantage le courage d’aller porter plainte car elles avaient moins honte après avoir subi un viol. Je me souviens qu’une femme a appelé les autres femmes ayant subi une agression ou autres à lever la main. Plus de 50 % des mains se sont levées… C’est cette parole qu’il faut capter et mettre en valeur. Il faut que tout le monde voit, entende et comprenne.

La sortie dans les salles est prévue pour quand ?

On espère début 2022 !

Vous pouvez suivre l’évolution du film “Riposte Féministe” sur leur compte Instagram @riposte_feministe.

Rassemblement féministe à Montpellier – Crédit : Palmeraie & Désert
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