« Elles dansent » : le documentaire qui célèbre la vie

par | Nov 18, 2021 | Cultures | 0 commentaires

Le film “Elles dansent” d’Alexandre Messina avec Aude Michon – Crédit : Presse

L’urgence de vivre. Le besoin de sourire. La nécessité de faire du bien et de donner. Ce sont très certainement les leitmotiv d’Aude Michon. Cette ancienne notaire a tout plaqué pour renouer avec sa passion première : la danse. Mais elle décide d’aller plus loin en proposant dans un premier temps aux personnes atteintes de cancer de se réapproprier leur corps et leur énergie à travers les mouvements et la musique via son association ELLES DANSENT. Aude ne s’arrête pas en si bon chemin et se rend aussi au chevet des patient.es pour essayer de leur faire oublier les douleurs, le temps d’un instant. Ce sont ces moments suspendus que le réalisateur Alexandre Messina (Mémoire ouvrière , Les marais criminels, Percujam) a capturés. Alors que le film est sorti dans les salles hier, Aude et Alexandre nous en parlent.

Comment est né le projet de ce long métrage documentaire ?

Alexandre : J’ai rencontré Aude par le biais du président de son association, et en tournant un petit sujet pour un autre hôpital avec Aude et ses danseuses, j’ai pu mesurer l’impact et l’énergie que ce petit bout de femme pouvait insuffler à des corps meurtris par la maladie. De là, la nécessité d’un film est née.

Aude : Alors que je venais de démarrer les interventions dansées au chevet à Gustave Roussy, je me suis dit « Il faudra que quelqu’un puisse filmer ce qui se passe avec la danse et la musique dans ces espaces de vie ; je ne peux pas être seule à vivre cela ; il en faudra d’autres comme moi ». La responsable de mes interventions à Gustave Roussy de son côté m’avait dit très tôt « Il faudra trouver le moyen de filmer pour rendre compte de ton travail ». Et c’est ainsi que le président de l’association ELLES DANSENT que j’ai fondée m’a mise en relation avec Alexandre. Celui-ci commençait la tournée de son film documentaire PERCUJAM sur des artistes autistes adultes. Tout était là.

Que raconte-t-il ?

Alexandre : Il suit le parcours d’une notaire qui décide de tout lâcher pour se rendre au chevet de patients atteints par le cancer.

En quoi était-ce important pour vous de mettre en lumière ce moment souvent très dur et “caché” de la maladie ?

Alexandre : Je trouvais nécessaire de donner à voir l’impossible mariage entre la danse et la maladie, entre l’Art et des mondes plutôt fonctionnels, avec les tabous que l’on peut imaginer.

Aude : Parce que de mon point de vue, la vie est toujours là même dans la maladie, et que toute personne en vie a le droit surtout si elle en a besoin d’écouter de la musique, de regarder danser, de danser et de partager des moments avec d’autres, d’autant plus si elle est malade et confinée dans une chambre d’hôpital. La qualité du soin passe par prendre soin. Hors, si aujourd’hui les artistes sont parfaitement admis dans les services pédiatriques, ils ne le sont quasiment pas chez les adultes. Petit à petit, nous commençons à voir émerger la présence régulière de musiciens en soins palliatifs ou des chanteurs, des danseurs et mêmes des animaux dans les EHPAD. Mais en hospitalisation et en cancérologie particulièrement il y a encore du chemin à faire. Alors que les besoins sont les mêmes. Et que de nombreux artistes attendent de pouvoir être acceptés.

Aude : “De mon point de vue, la vie est toujours là même, même dans la maladie”

Quels sont vos plus beaux souvenirs du tournage ?

Alexandre : Les moments magiques où au détour d’un couloir on peut capter un moment de souffrance transformé en joie. Hayat, cette jeune femme de 34 ans, disparue quelques mois plus tard, illumine dès les premiers tournages nos ressentis, et elle continue d’apporter cette lumière aux premiers spectateurs qui découvrent le film en ce moment. Les moments aussi où en panne d’énergie et affamés après seulement 2 heures ou 3 heures de tournage (le temps durant lequel Aude intervient à GR) nous allions grignoter à 16h.

Aude : Je ne sais pas si je parlerais de beauté mais plutôt de magie car nous avons eu la chance de recevoir des cadeaux incroyables que nous ont offert les patients et leurs proches en laissant la caméra d’Alexandre entrer dans leur intimité et ainsi laisser un témoignage indélébile de leur histoire et de notre rencontre.

Qu’est-ce que la danse apporte aux malades mais aussi peut-être aux familles qui accompagnent le/la malade ? Elle adoucit la souffrance ?

Alexandre : Les réponses sont très nombreuses et variables selon les patients, selon les moments. Je dirais plus simplement que l’acte dansé ou esquissé par Aude guérit l’âme blessée par la maladie du corps. Pour les familles, ce peut être plus complexe, comme énoncé dans le film. Il peut y avoir un ressenti d’indécence au départ pour les accompagnants qui veulent protéger leurs proches. Mais ensuite, il y a un apaisement très vite remarquable sur les patients. Il y a des pistes à creuser pour améliorer ces moments et ces lieux où l’on souffre.

Aude : La joie sur mon visage, la couleur dans mes costumes, la musique pour les oreilles, le mouvement dans mon corps ou le leur sont autant d’ingrédients qui adoucissent, apaisent, réconfortent, détendent, réconcilient, enthousiasment, enchantent, soulagent et rapprochent les êtres et les âmes. Les douleurs s’atténuent, l’attention est détournée, le rythme de la journée et des pensées est rompu. Les angoisses de la nuit sont moins prenantes car il reste le souvenir d’un moment joyeux.

Comment se remet-on d’un tournage comme celui-ci ?

Alexandre : On ne s’en remet pas. Une expérience comme celle-là m’habitera très longtemps.

Qu’est-ce qui vous inspire dans la vie ?

Alexandre : Donner à voir et à connaître par l’acte filmique des personnes atypiques et hors normes qui font du bien à la société et peuvent contribuer à rendre notre monde plus doux. Et il reste de belles choses encore à filmer.

Aude : Semer des graines de joie pour transformer mon quotidien et celui des autres. Et prendre soin de ce qui m’est donné et le donner à mon tour.

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