Studio Artera : « Soyez un enfant devant une œuvre d’art »

par | Jan 19, 2022 | Cultures | 0 commentaires

Giuliano Saldicco et Mathilde Soubie, fondateurs de l’agence d’art contemporain Studio Artera – Crédit : Presse

L’art est un mot qui parle à toutes et à tous mais dès qu’il s’agit d’en évoquer une bribe, la peur de « dire une bêtise » l’emporte sur l’expression pourtant essentielle du ressenti. Notre époque de l’instantanéité, du tout accessible, a ça de bon que ce monde duveteux et d’apparence clos s’ouvre de plus en plus. Mathilde Soubie et Giuliano Saldicco, les fondateurs de l’agence d’art contemporain Studio Artera, sont de ceux qui laissent entrer la lumière avec délicatesse. Leur but ? Que personne ne se sente exclu et que chacun et chacune puisse appréhender les oeuvres à sa manière. C’est dans une transparence la plus totale que sujets et prix sont abordés avec simplicité grâce notamment à des facilités de paiement mises à disposition. Trivial de parler argent ? Grossier et désacralisant de mentionner un chiffre ? Absolument pas. Ça participe au contraire à déconstruire l’idée d’un univers inaccessible qui serait réservé à quelques adeptes. Ils nous en parlent.

Quels sont vos parcours respectifs ? Pourquoi le monde de l’Art?

Giuliano : Un parcours 100% artistique pour ma part, un master 1 à la Sorbonne en Histoire de l’Art et un master 2 à l’École du Louvre en Marché de l’art ponctué de stages à Drouot et chez Christie’s Paris. Ensuite, j’ai intégré pendant plusieurs années le pôle communication d’une maison d’édition parisienne.

Mathilde : Passionnée d’art depuis toujours, j’ai su dès mes dix-huit ans que j’avais envie de travailler dans un univers créatif. Après une classe préparatoire de deux ans, j’ai intégré l’emLyon business school dans laquelle j’ai effectué tous mes stages dans le monde de la culture (l’Opéra de Vienne, Christie’s Paris et le Palais de Tokyo) et me suis spécialisée en entrepreneuriat. Une fois mon diplôme en poche, j’ai eu la chance d’intégrer l’équipe du mécénat d’entreprises du Palais de Tokyo puis celle de l’Opéra de Paris pendant trois ans, avant de créer le Studio Artera. Je ne me suis jamais vu évoluer ailleurs que dans le monde de l’art. J’ai toujours été portée par ça. Une sorte d’instinct, de nécessité.

Pourquoi avoir créé le Studio Artera ?

M & G : Le Studio Artera est né d’un désir profond de soutenir de manière concrète la création artistique et les meilleurs artistes plasticiens de notre génération, tout en décloisonnant le marché de l’art et en permettant à tout un chacun de mettre de l’art dans son quotidien. Nous souhaitons créer des passerelles entre les artistes et tous les acteurs de notre société (le grand public, les entreprises, les marques, les collectivités…). C’est une façon de penser demain autrement et faire entrer le beau dans nos espaces de vie.

En quoi est-ce important de rendre l’art et les artistes plus accessibles ? Pourquoi est-ce que ça n’a pas été le cas pendant longtemps ?

M & G : Duchamp disait “ l’art est la seule forme d’activité par laquelle l’homme en tant que tel se manifeste comme véritable individu”, et nous sommes convaincus que l’art et les artistes façonnent les femmes et les hommes que nous sommes aujourd’hui. Ils portent des valeurs fortes, sont parfois visionnaires et sont indéniablement indispensables à l’équilibre de nos sociétés. Rendre l’art accessible est important car nous sommes toutes et tous, d’une certaine manière, égaux devant une œuvre. L’art nous met à nu et nous réunit. L’art n’a pas toujours été accessible car il a longtemps été détenu par une élite, une fraction infime de la population mais la situation évolue de plus en plus.

Comment s’initier aux œuvres sans avoir de connaissance ? Est-ce ce qui freine le plus les gens ?

M & G : La curiosité est un excellent défaut qu’il faut entretenir au quotidien. Musées, maisons de ventes aux enchères, galeries, agences, ateliers d’artistes, variez les plaisirs ! Instagram est un aussi bon moyen de l’entretenir à moindre frais. Le principal frein est contenu en deux mots : “et si”. “Et si on me juge ?”, “et si je ne saisis pas le concept ?”, “et si je ne vais pas dans la même direction que les autres ?” etc. Balayez-ça du revers de la main, et faites vous une opinion par vous-même en lisant, en regardant, en échangeant sur ces sujets. Observez le naturel que les enfants ont à parler des œuvres d’art dans les musées, sans avoir de “connaissances” particulières. Ils osent, ils s’interrogent, ils sont curieux. Soyez un enfant devant une œuvre d’art.

“L’art nous met à nu et nous réunit”

Comment repérez-vous les artistes avec lesquels vous travaillez ?

M & G : Partout où ils sont ! Directement dans leurs ateliers pour la plupart, dans des expositions, sur les réseaux sociaux, à des soirées, autour de nous… Nos axes de recherches sont très divers. Nous recevons aussi beaucoup de candidatures que nous lisons toutes avec beaucoup d’attention.

Quels sont vos coups de cœur à l’un et à l’autre ?

G : J’ai une affection particulière pour le travail d’Adeline Care et sa série “Aithō je brûle”. Ses photographies mystiques de l’Etna me font penser à des peintures de la Renaissance. Elles sont douces, apaisantes mais gorgées de mystères. Mais c’est une question très difficile !

M : Choisir entre les artistes de l’agence, c’est vraiment comme nous demander de choisir entre nos enfants. Je répondrais donc : Raphaële Anfré pour sa subtile approche à la féminité, Béatrice Bissara pour sa façon de questionner notre rapport aux vivants et de travailler la matière, Adeline Care pour ses photographies emplies de mystères, Caroline Derveaux pour son incroyable façon d’habiter l’espace urbain, Itchi pour ses collages qui servent de machine à remonter le temps, Romain Lalire pour le lien qu’il crée entre art et technologie, et Vincent Marcq pour le regard qu’il pose sur notre habitât.

Quelle œuvre vous a le plus marqué et pourquoi ?

M : L’œuvre qui m’a le plus marquée est, je crois, le “Baiser” de Klimt. Lorsque j’habitais à Vienne à 20 ans, je pouvais passer des heures à l’admirer au Palais du Belvédère et emmenais tous mes proches découvrir cette incroyable peinture. J’ai toujours eu la sensation qu’elle incarnait ce moment de douceur, au-dessus de tout, cet élan de vie que rien ne peut atteindre. Klimt a réussi à capturer ces rares moments furtifs de quelques secondes dans une vie, où l’on ressent que nous sommes parfaitement heureux et en paix, et à les faire durer par sa toile.

G : Choix ardu ! Dans ma belle famille, il existe un portrait d’un homme peint sur un morceau de caisse de médicaments de la Croix Rouge. Cette peinture a été faite au camp d’internement de Drancy pendant la Seconde Guerre mondiale. Là au milieu du chaos, à des années lumières de la quiétude des musées et des galeries, l’art a triomphé.

Quels sont vos projets pour 2022 ?

M & G : Aider avec succès et bienveillance nos artistes à devenir les artistes qu’ils souhaitent être, les aider à atteindre leurs rêves et leurs objectifs. Partager encore et toujours le talent de nos artistes au plus grand nombre. Développer encore plus de passerelles entre le monde de l’art et tous ceux qui le souhaitent, être toujours aussi curieux et ouverts.

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