Yacine Ait Kaci : « Les premières mises en garde écologiques datent des années 70 »

par | Mai 19, 2019 | Musique | 0 commentaires

Elyx by YAK

Il y a quelques semaines, l’écrivain et journaliste Nathaniel Rich sortait une enquête de deux ans dans un livre intitulé « Perdre la Terre ». Il y explique notamment qu’en 1979, le président Jimmy Carter avait signé le décret « Changing Climate » ordonnant qu’une étude soit réalisée pour analyser concrètement les conséquences de nos actes sur le changement climatique. Un réel consensus s’était alors créé tant sur le plan politique, économique et mondial (même dans les industries du gaz et du pétrole !) concernant le réchauffement climatique puis tout s’est arrêté net pour des raisons politiques entre autres et parce qu’on est « incapable de contempler un désastre lointain », dit-il à « Society ». Alors en 2019 nous y revoilà avec de nouveaux acteurs encore plus engagés que dans les années 70 : les jeunes et les artistes comme Yacine Ait Kaci aka YAK qui nous en parle.

Hello Yacine,  peux-tu te présenter ? 

Bonjour, je m’appelle Yacine AIT KACI, on me connait aussi sous la signature YAK et encore plus à travers le personnage que j’ai créé il y a maintenant 7 ans, ELYX. Avant ça j’étais avant tout un créateur numérique, réalisateur et metteur en scène : plusieurs spectacles, des dizaines d’installations interactives, sous le nom Electronic Shadow, créé en 2000. Cette ombre électronique que chacun d’entre nous possède aujourd’hui à travers ses réseaux sociaux et sa vie digitale. Ce changement de civilisation a considérablement réduit les distances mais n’a pas permis de faire face au terrible péril écologique, on peut parfois penser qu’il l’a amplifié.Je suis très actif dans l’organisation des marches Climat depuis le mois de septembre, pour lesquels j’ai également réalisé de nombreux visuels, avec et sans ELYX.

Pourquoi cet engagement fort pour l’écologie ?

Les premières mises en garde datent des années 70, elles n’ont pas été entendues. Depuis c’est de pire en pire et on approche de plus en plus du point de non retour. Il ne s’agit pas d’un engagement partisan mais d’une prise de position que tout un chacun se doit d’avoir devant la protection de l’avenir et de la dette que nous avons tous envers les générations futures.

Elyx, ton super personnage, est ambassadeur digital des Nations Unies mais il est tout aussi engagé pour la planète. Est-ce important de le faire prendre des positions ?

C’est capital. ELYX est l’expression de ce que nous avons tous en commun, ce rapport à l’enfance, le sourire, l’innocence, c’est un dessin en forme de trait d’union. Personnage imaginaire qui n’existe qu’au gré de notre capacité à inventer, il est tout aussi concerné et représente cet engagement global. Sa devise : WE ARE ONE.

Elyx by YAK

Quel est le dessin d’Elyx qui représente le mieux ton/votre combat ?

 Il y a beaucoup de dessins d’ELYX avec la Terre qui est à la fois un personnage en soi et la matrice de tout ce qui vit, a vécu et vivra, êtres humains, animaux, plantes et même personnages imaginaires qui sont indissociables des êtres humains. J’ai d’ailleurs utilisé la Terre comme symbole dans beaucoup des visuels que j’ai produits pour les marches climat, ainsi que le mouvement mondial de la jeunesse. Il y a cette photo qui était la préférée de mon père, et qui montre tout l’amour et la bienveillance d’ELYX pour la nature.

Grève des lycées et des étudiants suivie par la Marche du Siècle… Ça fait beaucoup pour un  seul week-end, comment l’expliques-tu ?

Il y a une véritable prise de conscience générale. Septembre dernier a été un déclencheur, entre le discours alarmiste du secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, la démission de Nicolas Hulot et le dernier rapport du GIEC. Parallèlement cette jeune suédoise et sa grève scolaire pour le climat est montée en puissance, nous sommes à un tournant historique. Les citoyens commencent à se rendre compte que le temps est compté et que l’inertie du changement est trop lente pour permettre d’éviter le pire. Chacun a son rôle à jouer. C’est pourquoi on voit apparaitre de nouveaux mouvements citoyens, indépendants des ONG, qui bousculent l’engagement traditionnel.

Comment perçois-tu l’évolution de l’écologie dans notre société, sa place ?

La place de l’écologie et des questions environnementales est de plus en plus centrale. On le voit dans les enquêtes d’opinion, mais aussi dans les résultats du grand débat et très prosaïquement également dans la communication en général de toutes les organisations. On peut avoir le sentiment que c’est une préoccupation majeure et pourtant les chiffres sont tenaces, nous continuons collectivement à émettre de plus en plus de Gaz à effets de serre. C’est une véritable bataille culturelle, il s’agit de changer nos habitudes en profondeur, individuellement et collectivement. Ce n’est ni tout seul avec ses seuls petits gestes, ni en attendant tout des gouvernements, il y a un changement collectif qui n’est pas nécessairement un effort s’il est accompagné à la fois du bon discours et des solutions appropriées. La vraie question, c’est l’urgence, il faut vraiment s’y mettre et très vite.

Elyx, grâce à l’art universel du dessin, parle autant aux jeunes qu’aux adultes, penses-tu qu’il y en aille de même pour Greta Thunberg, la militante suédoise ? 

Comme ELYX, Greta n’a pas besoin de parler pour exprimer son message. Le simple fait qu’elle se mette en grève toutes les semaines le vendredi pour dénoncer l’inaction de ses ainés et qui fait que son avenir est tellement menacé qu’il n’y a plus de sens d’aller à l’école, est en soi tellement puissant. En plus quand elle parle, son discours est tellement précis et radical qu’il interroge vraiment notre société. ELYX garde une forme d’engagement très ouvert et inclusif, il nous rappelle que tout le monde est concerné, qu’il ne s’agit pas d’un engagement politique au sens partisan du terme mais d’un véritable engagement humain envers l’avenir que nous dessinons collectivement.

Elyx avec Greta by YAK

Les jeunes sont de plus en plus engagés, est-ce que c’est le poids en plus qui va pouvoir enfin peser dans la balance ?

Je l’espère vraiment. Il s’agit d’un passage de relais mais aussi d’une vraie revendication générationnelle, tout comme la génération 68 réclamait un droit à la liberté et l’a sans doute exercé un peu trop lourdement vis-à-vis de l’environnement, la génération 2019 réclame un droit au futur. Il n’y a sans doute pas de hasard d’ailleurs si Greta Thunberg se voit remettre le tout premier Prix Libertés le 5 juin prochain à Caen, dont j’ai eu la chance d’être président du jury, à l’occasion du 75e anniversaire du débarquement. Défendre la liberté aujourd’hui c’est défendre son droit au futur. Par ailleurs s’est créée une association française qui m’a fait l’honneur de m’en nommer président, qui s’appelle Little Citizen for Climate, de jeunes enfants et des adolescents qui prennent la parole sur le climat. Pour les plus grands, il y a le formidable mouvement Youth for Climate qui organise les marches françaises, autant de relais d’actions et d’organisation. 

Un mot pour la fin ?

J’ai créé en septembre 2018 la Fondation ELYX, sous égide de la Fondation FACE, pour accompagner avec ELYX ces grandes transitions de la société sous tous ses aspects, du monde de l’entreprise aux citoyens, en passant pas les organisations diverses et variées. Nous avons mis en place une ressourcerie pour offrir à tout un chacun des outils d’engagement. Servez-vous !

Elyx avec Greta by YAK

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