William Amor, l’artiste qui magnifiait les déchets

par | Sep 18, 2020 | Cultures | 0 commentaires

William Amor – Crédit : N.C

William Amor est un artiste et poète en ce qu’il transcende les choses les plus banales. C’est un hyper sensible passionné par les fleurs et profondément engagé. Son but de vie ? Anoblir des matières délaissées considérées comme des déchets. Avec son travail remarquable empreint d’une sincérité bouleversante, William tutoie Doistoïevsky sans grande difficulté. Est-ce que la beauté sauvera le monde ? Assurément avec des oeuvres comme les siennes. Il récupère plastiques, cordages et autres mégots pour les transformer en sculptures. Une bouteille d’eau se déploie en une iris dentelée comme si elle avait été soufflée à Murano. Le filtre d’une cigarette, une fois nettoyé et teinté (à la main et par William lui-même), éclôt en un petit bouton jaune et duveteux de mimosa. Un sac plastique recoloré et froissé se transforme en un coquelicot plus vrai que nature. Ses créations sont à bien des égards bluffantes. Pas étonnant que la luxueuse maison Guerlain, sensible à l’art, au beau et au savoir-faire minutieux se soit tournée vers l’artiste pour réaliser les décors des vitrines d’abord, puis décorer huit exemplaires numérotés du parfum Mon Guerlain Bloom of Rose édition Prestique ensuite. Un parfum hautement symbolique car incarné par Angelina Jolie, femme engagée à l’instar de William qui, avec ses Créations Messagères, travaille avec une fondation pour personnes handicapées.

Qu’est-ce que représente l’art pour vous ?

Je crois en l’art thérapie. J’ai toujours créé sans même penser en faire mon métier car ça me permet de me sentir vivant, de tout oublier en me concentrant sur une chose bien précise. La métaphore de la création est très enrichissante.

Les mégots transformés en mimosa de William Amor – Crédit : N.C

Vous n’avez pas toujours été artiste ?

Non dans le sens où j’ai eu un autre métier avant. Mais j’ai toujours eu cette vocation. J’ai juste mis du temps avant de me lancer pleinement dans la création. Je ne venais pas d’un milieu qui me donnait l’impression que c’était possible d’en faire son métier. Avec le temps et réalisant à quel point créer me faisait du bien, je me suis lancé.

Les iris de William Amor – Crédit : N.C

Comment travaillez vous?

Je pars de quelque chose qui est d’apparence néfaste et sans intérêt pour aboutir à de la poésie, de l’esthétisme. C’est, en plus, un hommage aux fleurs. Elles me fascinent depuis que je suis môme. Ensuite, je fais tout à la main avec des techniques semblables aux métiers d’art. En parallèle, j’échange avec une branche de la Fondation franco-britannique de Sillery qui accueille des handicapés. C’est une fondation médico sociale située dans l’Essonne. Ils viennent en petit groupe de huit à l’atelier. Le premier a commencé en 2018 et vient une fois par semaine. Je les formes à mes gestes. Ce sont de vrais moments d’échange et de partage. Il y a tous les profils. Quand il y a des projets, ils viennent tous les jours accompagnés de Stéphanie qui est art thérapeute et encadrante. Sana, Marceline et Sylvie par exemple ont acquis une véritable dextérité. Avec le confinement c’est compliqué, je ne les ai pas revues depuis mars. Mais avant, Guerlain nous avait confié la mission de décorer les vitrines des Champs et de St Honoré. Ca a représenté environ 2 000 heures de travail pour réaliser ses cascades de roses et de pétales.`

Les coquelicots de William Amor pour Kenzo – Crédit : N.C

Comment trouvez-vous les déchets que vous magnifiez ?

Je collecte les matériaux dans la nature tout simplement. On est sur une vraie démarche artistique où je crée la matière. J’aime voir le monde différemment en me disant que chaque chose est une graine qui peut prendre une toute autre forme. Je les appelle les graines messagères. Car je peux obtenir des choses impensables à partir de déchets laissés par les gens. Parfois, je me retrouve dans des situations pas possibles à ramasser des déchets comme de gros cordages sur la plage. Je crée ma propre matériothèque en nettoyant et aseptisant les matériaux que je vais retransformer en lé de matière comme ça pourrait être un lé de soie. Je retravaille toute la couleur et, selon les créations, je vais le patronner, le teinter, le gaufrer, le plisser… Pour en arriver là, il y a une quinzaine d’années de recherches durant lesquelles j’ai expérimenté mes propres techniques. Je vois vraiment le déchet comme une matière première noble.

Création en cordage de William Amor – Crédit : N.C

De l’état de rebut, on passe à l’orfèvrerie !

Oui et ça prend autant de temps ! Il m’arrive de travailler une bouteille en plastique partiellement reteinte à la façon d’un verre soufflé. Sur mes tulipes, c’est comme de la dentelle. Je laisse des petits éléments que l’on trouve sur les plastiques comme une date ou un un sigle. Je travaille des filets de pèche en perlage ou des morceaux de bouteille en sequin. Ca représente des centaines et des centaines d’heures passées.

Tulipes de William Amor – Crédit : N.C

Collaborer avec une maison de luxe participe à une meilleure compréhension de ce que vous faites ?

Les maisons de luxe côtoient le beau et l’art avec saveur. Elles mesurent les techniques, le temps passer, tout l’artisanat qu’il y a derrière chaque pièce. Elles valorisent vraiment le travail des artistes.

Parfum Mon Guerlain Bloom of Rose édition prestige, 12 000 € – 490 ml – Crédit : N.C

Une exposition est dédiée aux œuvres de William Amor dans la boutique de Guerlain des Champs Elysées jusqu’au 12 octobre.

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