© Soroush Karimi

C’était il y a dix ans mais elle en parle encore, la gorge nouée. Fin des années 2000, Titia était en couple avec un garçon. Du jour au lendemain, il décide de rompre sans explication et surtout sans aucun signe avant-coureur, laissant la jeune femme alors âgée de 22 ans abasourdie et complètement perdue. Quelques jours avant Noël, se retrouvant dans l’incapacité de rentrer dans leur appartement, elle décide de passer la nuit dans sa voiture. Il y en aura une quinzaine au total. Aujourd’hui, le coeur amoureux et l’esprit assagi, elle raconte cette période éprouvante de sa vie. 

Tu étais en couple avec ce garçon depuis quatre ans. Ensemble, vous aviez beaucoup de projets. 

On était ensemble depuis au moins quatre ans oui. J’avais 22-23 ans, lui un an de moins que moi. On faisait tout ensemble. Nos familles se connaissaient. On avait pour projet de devenir propriétaires, on avait même pris des billets pour passer nos vacances à New York.

Et puis, un jour, il t’annonce que c’est fini.

Le matin, on part au travail comme chaque jour. Rien de bizarre. Mais le soir, quand je veux rentrer chez nous, dans notre appartement, il me dit qu’il veut rompre que je dois partir. J’étais sous le choc. Je ne comprenais rien. J’avais juste envie de dire « pourquoi »? » et de répéter ça. Mais lui ne m’a donné absolument aucune raison. J’étais perdue. Vraiment perdue.

Sur le moment, tu décides de ne rien dire à personne de votre rupture et sans réfléchir, de rester dormir dans ta voiture. 

Je ne pouvais même pas rentrer chez moi récupérer mes affaires. J’avais attrapé quelques vêtements et j’avais mon manteau sur moi, c’est tout. Je ne savais pas où aller, que faire. Je ne me voyais pas le dire à ma famille ou mes amies, j’avais trop honte. Je ne comprenais pas pourquoi il avait rompu. J’ai su plus tard, qu’il avait rencontré une fille à son boulot, qu’ils étaient ensemble depuis plusieurs mois et qu’elle s’était installée dès le lendemain de notre séparation chez nous. Mais à ce moment-là, bêtement, je croyais que ça allait s’arranger. 

Comment s’est passée ta première nuit ? 

Horrible. Toutes les nuits ont été horribles. Personne ne savait sauf mon ex. Mais il n’en avait rien à faire. On était en décembre, quelques jours avant les fêtes de fin d’année, donc il faisait très froid. Je laissais le moteur allumé une demi-heure avec le chauffage à fond mais j’éteignais vite parce que j’étais souvent garée dans la rue et  que ça pouvait sembler suspect. Quelques soirs, j’ai trouvé une place dans un parking. Je cherchais des rues sombres, avec peu ou pas de passages. Jamais au même endroit.

Quel sentiment prédominait ces nuits-là ?

La peur et la tristesse. Je pleurais sans m’arrêter, toutes les larmes de mon corps et plus encore. Et puis, j’avais peur. J’avais 22 ans, je vivais dans ma voiture en plein hiver. Je me suis débrouillée avec le peu que j’avais récupéré et j’ai acheté le reste. Deux-trois bricoles. Mon ex et sa copine ne m’ont pas laissée reprendre mes affaires. C’est mon frère, un mois plus tard qui a dû y retourner pour moi.

Combien de temps cette situation a-t-elle duré ? 

J’ai dû vivre dans ma voiture au moins quinze nuits. Après, je suis allée à l’hôtel et une amie m’a proposé une colocation. 

Comment se déroulaient tes nuits ?

Dans l’angoisse. Je faisais des insomnies, je dormais très, très mal. A la fin de ma journée de travail, je me disais « et voilà, maintenant, je suis toute seule » et ça m’angoissait. Je prenais tout pour m’endormir vite. Je suis allée voir un médecin pour qu’il m’aide et me prescrive des somnifères. Dormir me permettait de fuir le quotidien, d’oublier tout ça.

Et la journée ? 

J’allais au travail comme si de rien était. Comme si tout était normal. Je me suis mise à vivre dans le mensonge en disant que tout allait bien, c’est comme si je m’étais créée une nouvelle personnalité pour pouvoir rester debout. J’ai tenu quelques semaines comme ça. 

A quel moment tu t’es dit « cette nuit dans la voiture sera la dernière » ?

Une amie qu’on avait en commun avec mon ex m’a envoyé un sms quand elle a appris notre rupture. Je crois que j’aurais pu faire une grosse bêtise sans elle. Elle m’a raconté l’autre version de l’histoire avec les mensonges de mon ex, et ça m’a ouvert les yeux immédiatement.

Qui savait que tu vivais dans ta voiture ?

Mon ex et personne d’autre.

Depuis, en as-tu parlé à tes proches ? A ta famille ?

Ma famille non, jamais. Ils m’ont énormément aidés quand ils ont su que c’était fini mais ne connaissent pas les détails. Je l’ai dit à quelques amis, c’est tout. Ils étaient tous choqués.

Aujourd’hui, quand tu repenses à ça, qu’est ce que tu te dis ?

Que j’étais bête ! J’aurais dû me rebeller ! J’aurais dû parler à quelqu’un, aller voir la police au moins pour récupérer toutes mes affaires. Ou même une association. Je regrette de ne pas avoir parlé plus tôt. Je regrette aussi que mon ex ne m’ait jamais demandé pardon alors qu’il a su que je dormais dans ma voiture et que j’allais mal. 

Qu’est-ce que tu aurais envie de dire à la Titia de cette époque ?

Courage et parle, dis à tes amis ce que tu vis.

Et aux personnes qui pourraient se retrouver dans ta situation ?

Parlez, soyez courageux, ça va aller. N’ayez pas honte. Je me suis trop renfermée sur moi-même, j’avais perdu la notion de réalité. Pourtant, j’ai un caractère fort mais cette fois, mon cerveau n’a pas compris. La communication, c’est important. Parler, c’est ce qui m’a sauvée. 

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