Ségolène d’Atelier Crenamik : “La porcelaine est caractérielle, elle n’aime pas les erreurs, elle les retient toujours”

par | Fév 26, 2021 | Cultures | 0 commentaires

Ségolène avec l’une de ses créations d’Atelier Crenamik – Crédit : Presse

Ses créations en porcelaine sont empreintes de poésie et de délicatesse. Ségolène, fondatrice d’Atelier Crenamik nous raconte son métier artisanal et artistique.

Ségolène, qui es-tu ? 

J’ai 40 ans, je vis à côté de Paris et je suis céramiste. Je suis également maman de trois enfants de 11, 10 et 7 ans. Mon atelier se trouve dans mon jardin, ce qui m’aide à jongler entre mon activité et ma vie personnelle.

Quel est ton parcours ? Comment as-tu été amenée à travailler la céramique ?

J’ai un diplôme en arts appliqués et graphisme de l’Académie Charpentier. J’ai commencé par travailler dans le design textile, j’imaginais des motifs pour des tissus. En 2009, enceinte de mon aîné, je me suis inscrite un peu par hasard à des cours de céramique et je suis tombée dedans ! J’ai fait plusieurs stages auprès de céramistes dont j’aimais le travail, comme Marilyn Vince.  En 2014 on a déménagé et j’ai eu la chance de pouvoir installer un atelier dans mon jardin. C’est là où je me suis dit « Il faut se lancer ! ». J’ai continué à prendre des cours et en parallèle j’ai appris de façon autodidacte, en regardant des vidéos et en observant ce qui se faisait à droite à gauche. Je m’y suis consacrée vraiment à 100% en 2017 quand les enfants étaient plus grands.

Peux-tu m’expliquer ce qu’est la céramique ? Que travailles-tu plus précisément dans la céramique ?

Dans la céramique il y a trois terres : la faïence, le grès et la porcelaine. Je travaille essentiellement la porcelaine. Elle est caractérielle, elle n’aime pas les erreurs, elle les retient toujours. C’est une matière douce et j’aime sa blancheur, sa pureté. Avec la porcelaine j’arrive à obtenir une finesse que j’adore, à créer des détails et de la transparence (plus on tire la terre plus elle s’affine, ce qui fait ressortir tous les détails quand on place l’objet à la lumière). 

Qu’est-ce qui t’inspire ?

Tout peut m’inspirer : une expo, une photo, une balade mais c’est surtout dans la nature que je puise l’essentiel de mon inspiration.

Comment travailles-tu ?

A partir d’une idée, je réalise des croquis sur papier mais je passe très vite à la céramique pour la tester. Je fais un essai, je regarde ce que ça donne et si ça me plaît, je développe une collection autour de ce thème. Par exemple le thème « pépites » (inspiré d’’écorces d’arbres) ou « lichen » (inspiré de la mousse des arbres). Généralement je réalise une collection courte de quelques formes (vases petits et grands, photophores, plats etc).

Combien de pièces produis-tu par collection ?

Je réalise une quinzaine de pièces pour commencer et je peux reproduire en fonction de la demande, mais pas indéfiniment car au bout d’un certain temps je finis par me lasser !

Combien de temps passes-tu par pièce environ ?

Il y a beaucoup d’étapes, tout dépend de la taille de la pièce, mais il me faut environ deux à trois heures de réalisation. S’ensuit une première phase de séchage qui dure une semaine. Puis je procède au ponçage et je règle les détails, je réajuste. Vient ensuite l’étape de la première mise au four à 980 degrés pendant une trentaine d’heures. Je sors les pièces, je les ponce avec une éponge abrasive et je les émaille (on peut mettre une couverte brillante, mate, de la couleur etc). Puis la pièce retourne au four à 1280 degrés pour plus de trente heures. Pour un vase, il faut donc compter une quinzaine de jours environ entre le moment de la commande et la livraison.

Des créations d’Atelier Crenamik – Crédit : Presse

Comment trouves-tu tes idées comme les effet dentelle ou cannage?

J’ai toujours aimé faire des empreintes. J’avais un morceau de cannage à la maison et je me suis dit « je vais le rouler dans de la porcelaine pour voir ce que ça donne » !

La dentelle c’est une autre technique, le trempage, que j’ai apprise lors d’un cours. Je plonge ma dentelle (ou un tissu qui peut se brûler comme le coton) dans de la barbotine de porcelaine (porcelaine liquide), je viens ensuite l’appliquer sur une forme préalablement réalisée. Lors de la cuisson au four à forte température, le tissu utilisé va brûler et il ne restera que l’empreinte de la dentelle en porcelaine. Ça fait des pièces très fines et très délicates.

Pour l’art de la table, c’est comme une page blanche pour moi. Un peu comme si je peignais un tableau, je laisse libre cours à ma créativité ! Je me permets des choses plus originales, j’utilise beaucoup plus la couleur. J’ai développé les assiettes marbrées, qui plaisent beaucoup, avec des porcelaines colorées que l’on mélange ensemble. Ce ne sont que des hasards mais des beaux hasards. 

Passes-tu beaucoup de temps à y réfléchir en amont ou fonctionnes-tu à l’instinct ?

Je suis assez instinctive. Je teste une idée, et si elle ne fonctionne pas, je passe vite à autre chose.

Que penses-tu de l’engouement actuel pour la céramique, notamment sur les réseaux sociaux ?

J’ai créé mon compte @atelier_crenamik quand Instagram n’était pas encore très développé, mais depuis deux ans je constate un vrai changement. Je vends d’ailleurs l’essentiel de mes pièces via Instagram. Je développe aussi de plus en plus le format de ventes éphémères qui marche plutôt bien.

Je pense que ce qui attire les gens dans la céramique c’est le rapport à la matière, l’authenticité, le fait main et le fait d’acquérir une pièce unique. Pour ma marque Atelier Crenamik, je n’utilise jamais de moule pour cette raison. Donc, même si on me commande un modèle de vase déjà existant, il ne sera jamais tout à fait identique au précédent.

Qui sont les artisans, les artistes dont tu admires le travail ou qui t’inspirent ?

Je suis une grande fan de Picasso et de Matisse, d’ailleurs ma derrière collection s’appelle « Matisse et moi ». Il y a beaucoup de créatrices dont j’apprécie le talent, comme Nathalie Domingo, qui travaille des choses très très fines, c’est elle qui m’a appris le trempage des dentelles et des végétaux et qui m’a vraiment fait découvrir la porcelaine.

La pièce d’art/l’objet que tu rêverais d’avoir chez toi ?

Une assiette de Picasso, sous verre, dans un énorme cadre !

Y-a-t’il quelque chose que tu rêverais de créer mais qui te paraît techniquement difficile ? 

J’aimerais faire de très grosses pièces, complètement folles mais j’aurais besoin d’un très grand four ! (rires).

Sur quoi travailles-tu en ce moment, quels sont tes projets ?

Je suis dans ma période Ex-voto et sacré-coeurs j’ai toujours aimé ça. C’est une collection qui plaît beaucoup. Aujourd’hui ils s’utilisent comme des porte-bonheurs et les gens ont besoin de s’entourer de ce type d’objets un peu mystiques. Il y a beaucoup de possibilités, plein de motifs, je peux aussi les personnaliser. Je suis également en train de développer toute une gamme de vases, de bougeoirs. C’est un produit que je ne faisais pas beaucoup mais que l’on me réclame, et sur lequel on va retrouver les ex-votos. J’ai envie de développer des tableaux avec des objets en porcelaine. J’ai plein d’idées ! Sinon, j’adorerais donner des cours un jour.

La collection d’ex-votos en céramique d’Atelier Crenamik – Crédit : Presse

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