La santé mentale, un sujet encore mal géré mais de moins en moins tabou

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Les maladies mentales sont restées pendant longtemps lettre morte, dans le domaine public en tout cas. Si le plus grand nombre à un avis sur la question, rares sont celles et ceux capables de parler vraiment de ce sujet encore tabou. Depuis quelques années, les langues se libèrent, mais le chemin est encore long. En cette journée internationales des maladies mentales, faisons le point.
« T’es fou », « arrête de faire le gogol », « t’es vraiment parano toi ! »… Le florilège des expressions de ce genre est long et toujours autant employé (malgré son caractère discriminant et insultant) sans vraiment avoir conscience qu’il est allègrement emprunté au champ lexical des maladies mentales. Et pourtant… Ce sujet qui a longtemps été occulté est présent au quotidien. Chaque année, plus de 2 millions de personnes sont soignées pour des maladies mentales sévères quand 12 millions de Français seraient concernés par la psychiatrie à des degrés plus ou moins importants. Soit une personne sur cinq. Pire, la crise du Covid-19 a aggravé la situation. D’après un sondage du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) relayé par RTBF et réalisé dans sept pays (Afrique du Sud, Colombie, Liban, Philippine, Royaume Uni, Suisse et Ukraine), une personne sur deux dans le monde aurait vu sa santé mentale altérée durant ces derniers mois. L’OMS va plus loin en publiant une étude sur la question menée dans près de 130 pays et révèle que 93 % des services de santé mentale ont été interrompus ou perturbés avec la pandémie. « La crise sanitaire du Covid a exacerbé la détresse psychologique de millions de personnes déjà confrontées à une situation de conflit ou de catastrophe », rapporte Robert Mardini, directeur général du CICR. Le point positif, c’est que 60 % des personnes interrogées placent maintenant la santé physique au même niveau que la santé mentale. Preuve que les mentalités évoluent.
On parle davantage des maladies mentales
Il est fini le temps où aller chez le psychologue ou le psychiatre n’était fait que pour les « fous ». Avec la libération de la parole et la prise de position de certaines personnalités, le sujet devient de moins en moins tabou. L’humain est davantage pris en compte, considérant la question du bien-être et de l’épanouissement personnel comme des sujets essentiels. On n’a jamais eu autant de livres sur le développement personnels et les pays nordiques en avance sur le sujet sont regardés avec attention. Pourquoi ? Notamment parce que si les accidents du travail sont en baisse en France, ceux associés à une « affection psychique » ne cessent d’augmenter. Le travail ayant pris une place prépondérante dans les vies de chacun, l’excès conduit à des décompensations parfois très graves. La vulgarisation des maladies mentales est donc essentielles pour pouvoir repérer les signaux d’alerte au plus vite et mieux les comprendre. Par ailleurs, prendre conscience que certaines maladies mentales relèvent d’un dysfonctionnement/dérèglement physique peut aider à mieux considérer le problème. Emmanuel Carrère, éminent écrivain et journaliste, ne cesse de le rappeler dans son dernier livre à succès « Yoga » (ed. P.O.L). Il y dépeint sans détour sa dépression et le moment – aussi tardif que violent – où il a été diagnostiqué bipolaire. Pour lui, c’est important de rappeler que toutes les thérapies possibles ne sont parfois pas suffisantes et qu’il est faut, aussi, s’intéresser à la chimie du cerveau. Lors d’un entretien avec le magazine « Society », il est clair : « C’est surtout une question de chimie du cerveau. (…) D’une certaine manière, le lithium est plus efficace que l’analyse. » Car oui, savoir que cette « folie » tant redoutée n’arrive pas de nulle part mais est bien due à un problème organique en rassure plus d’un : « Je suis une grande anxieuse, témoigne Isabelle, 53 ans. J’ai fait ma première crise d’angoisse à 4 ans. Ca se caractérise par des sueurs, des palpitations, une boule dans la gorge, des vertiges ou des crises de tétanie. J’ai appris à vivre avec et je sais comme gérer mais la peur d’avoir peur et toujours présente. Le regard des autres pèse beaucoup aussi mais savoir que cette maladie n’est pas que dans ma tête et qu’elle se manifeste physiquement me rassure. Je ne suis pas folle. » En effet, chez les grands anxieux avérés, il a été démontré que l’amygdale située dans le lobe temporal du cerveau était plus importante que chez les autres. Une connaissance utile pour se tourner vers des aides appropriées.
Thérapies, méditations et yoga
Les traitements médicamenteux prescrits par un professionnel de santé sont nécessaires mais on peut y ajouter d’autres solutions afin d’apaiser les personnes atteintes de maladies mentales. Il y a les thérapies comportementales et cognitives (TCC) ou encore les médiations de pleine conscience pour affronter ses inquiétudes et canaliser ses pensées. Ces dernières ont prouvé une incidence physique sur la personne qui la pratique et notamment sur une changement non négligeable des synapses qui assurent la connexion entre les neurones présents dans le cerveau et en rapport avec la fameuse amygdale. C’est pour cette raison que, cette année, l’ONU en partenariat avec la marque de vêtements de yoga Lululemon a rendu accessible le programme Peace on Purpose. Initialement lancé en 2019 en onze langues pour les travailleurs humanitaires afin de leur délivrer des outils et des méthodes pour leur bien-être mental, ce programme vient d’être ouvert gratuitement à tous et à toutes via la plateforme digitale et l’application Insight Timer.
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