« Je suis pilote de chasse affecté à la Patrouille de France », discussion renversante avec un as des airs

par | Août 25, 2018 | Les questionnaires, Sociétés | 0 commentaires

Cliché de la Patrouille de France – Crédit : Armée de l’air

L’honneur, la patrie, la passion et l’unité collective. Voilà ce qui ressort d’un échange avec l’un de ces hommes (héros ?) capable de se mettre en danger pour le bien de son pays. Lorsque Julien, 37 ans et 3000 heures de vol au compteur, raconte sa carrière en tant que pilote de chasse et maintenant à la Patrouille de France, difficile de ne pas avoir la chair de poule. Mais surtout, difficile pour lui de ne parler que de lui. Non, lorsque l’on est militaire, c’est en équipe et pour les Français. Il n’est pas question d’un seul homme et pourtant… Sa dévotion et son humilité sont telles qu’il est impossible de couper ou synthétiser ce qu’il dit. Tout est important, tout compte. « Mirage 2000 », « voltige à basse altitude », « escadron ». Son vocabulaire est technique mais il symbolise à la perfection l’attachement viscéral qu’il éprouve pour son métier et la France. Voici le parcours hors du commun de cet « Athos 2, position intérieur droit » (son emplacement dans la Patrouille) qui force le respect et l’admiration.

Comment en vient-on à faire ce que tu fais ?

Après avoir obtenu mon bac S en 1999, j’ai déposé un dossier de candidature au bureau Air informations de Caen. Je voulais depuis longtemps rentrer dans l’armée pour servir mon pays au sein d’un système hiérarchisé. Et, à côté, je pratiquais déjà des activités aéronautiques tel que le parapente en montagne et l’aviation de loisir à Carpiquet et c’est là que j’ai découvert la voltige aérienne. A ce moment précis, j’ai compris à quoi je me destinais. La voltige aérienne réunit la passion, la rigueur, le travail et l’humilité dont tous les pilotes doivent se rappeler à chaque vol. Tout ceci réuni provoque un plaisir profond où l’on communie avec les filets d’air lors des vols en trois dimensions. Je suis donc d’abord rentré comme élève pilote sous contrat dans l’Armée de l’air et trois ans plus tard, j’ai reçu mes ailes de pilote de chasse. J’ai été affecté en escadron opérationnel pour voler pendant dix ans avec le formidable Mirage 2000. Je suis devenu chef de patrouille et j’ai participé à de nombreuses opérations françaises sur plusieurs continents. J’ai poursuivi ma carrière en devenant instructeur à l’Ecole de Chasse de Tour puis, quatre ans plus tard, en intégrant la Patrouille de France sur la base de Salon, en Provence.

En quoi consiste ton métier exactement ?

Je suis d’abord et avant tout militaire. Les valeurs de l’Armée de l’air sont les suivantes : respect, intégrité, service et excellence. Je suis pilote de chasse affecté  à la Patrouille de France, cela veut dire qu’avec mon équipe (les pilotes, les mécaniciens, le secrétariat) nous contribuons à la renommée du savoir faire miliaire français et à renforcer les liens entre l’armée et la nation. Nous mettons en lumière tous nos frères d’armes qui sont dans l’ombre, sur le terrain, parfois au péril de leur vie. Et concrètement, notre outil principal de travail est le vol de formation à huit en voltige très basse altitude sur des avions de chasse.

Les pilotes de la Patrouille de France 2018 – Crédit : Armée de l’air

C’est quoi une journée type pour toi ?

En hiver (d’octobre à mai), nous sommes en entrainement. La  Patrouille se renouvelle chaque année et notre but est d’être prêt en mai pour présenter un spectacle aérien de qualité et en toute sécurité. Pour cela nous faisons du sport qui inclut du cardio et du renforcement musculaire. Nous enchaînions avec un premier vol très éprouvants physiquement et moralement. Puis nous déjeunons, nous débriefons et nous repartons pour un deuxième vol. Nous terminons par une nouvelle session de sport – cette fois collective – pour évacuer la pression et renforcer la cohésion de l’équipe. Puis en saison (de mai à octobre), nous sillonnons la France et l’Europe pour effectuer des démonstrations, rencontrer le public et soutenir des associations caritatives.

Tu as été sur des missions particulièrement dangereuses, mais récemment tu as vécu à quelques jours d’intervalle deux moments forts de notre pays : le défilé du 14 juillet et le retour des Bleus. Peux-tu en parler ?

Pour résumer ce week-end de juillet, je pense à l’expression « ascenseur émotionnel ». Le 14 juillet est un symbole, celui de notre pays et de notre armée. Pour nous, c’est le jour le plus important. Et ce jour là, nous emmenions à bord des blessés de guerre. On n’imagine pas en voyant ces jeunes hommes sympathiques et souriants qu’ils ont frôlés la mort et payés un lourd tribu en opération. Nous étions basés proche de la région parisienne et nous avions préparé ce défilé avec le plus grand professionnalisme. Nous étions fiers et heureux. Mais aussi stressés et motivés. Tout se présentait bien. La météo était parfaite, la coordination excellente. Et pourtant… Le drapeau que nous avons tracé dans le ciel n’était pas de la bonne couleur. J’aimerais tellement que l’explication soit simple. Mais c’est plus complexe. C’est le résultat de plusieurs petites erreurs de différentes origines. Mais comme tout ce qui nous arrive, de bon ou de mauvais, nous pouvons compter sur une chose : la Patrouille assume en équipe et l’équipe améliore sans cesse ses processus internes. Ce jour là, nous avons reçu un énorme coup au moral mais nous avons aussi beaucoup appris. Et nous avons rebondi immédiatement. Le travail de notre équipe de foot nationale nous a permis de nous rattraper quelques jours après. Ce moment était stupéfiant. L’arrivée au dessus des Champs Elysées noirs de monde et brouillés des fumigènes des supporters avec le soleil dans le dos pour survoler l’Arc de Triomphe, restera gravé en moi.

Le retour a dû être fort ?

En rentrant à la base à Salon, nos épouses et nos familles nous ont fait la surprise de nous accueillir au pied des avions. Elles savaient que le week-end avait été compliqué. Trois jours avant nous pleurions littéralement de déception pour notre vol du défilé, ce soir là, nous pleurions de joie pour cette réussite .

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