Et si on prenait soin du coeur des femmes ?

par | Fév 14, 2019 | Sociétés | 2 commentaires

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« Vous êtes certainement stressée madame, allez vous calmer chez vous, ça ira mieux ! » Une situation peu commune d’une patiente face à son médecin ? Non malheureusement. A l’instar de l’endométriose, certaines maladies chez les femmes sont toujours peu considérées. C’est le cas des pathologies cardio-vasculaires qui tuent aujourd’hui une femme sur trois. Car, contrairement aux hommes, elles sont beaucoup moins bien prises en charge. Alors, en ce jour où le coeur est à l’honneur, faisons un zoom sur ces laissées pour compte de la médecine.

Si la France peut se targuer d’une diminution de décès liés à une crise cardiaque ou à un infarctus du myocarde depuis une quinzaine d’année – comme le révèle une étude scientifique publiée par le professeur Nicolas Danchin de l’Hôpital Européen Georges Pompidou – c’est aussi un pays où les femmes succombent davantage à ce type de maladie que les hommes. 55 % des accidents cardiaques sont fatals chez les femmes contre 43 % chez les hommes. La sensibilisation face aux premiers signes avant-coureurs telles que les douleurs thoraciques ou la paralysie du bras gauche est grande et heureusement qu’elle existe. Oui, mais. Il se trouve que ces symptômes se manifestent que très rarement chez les femmes. Pour elles, ce sera plutôt suées, nausées ou vomissements, sensations de malaise ou d’oppression, palpitations, accélération du pouls, perte d’appétit, grande fatigue soudaine ou difficultés respiratoires… Des ressentis propres à la gent féminine dans l’imaginaire collectif. 

« Je ne sais pas si le manque de réaction de mon médecin généraliste était dû au fait que je ne suis pas un homme, mais il est clair qu’il faut beaucoup plus communiquer sur les risques de maladie cardiaque pour les femmes. » Isabelle avait 56 ans quand elle a fait son infarctus il y a cinq ans. Elle avait des antécédents familiaux mais ne pensait pas pouvoir être un jour concernée : « Comme beaucoup, je n’avais pas en tête que ça puisse toucher les femmes. Pourtant, lorsque j’ai appelé mon médecin tôt le matin ce jour-là, mes symptômes étaient évidants avec le recul. Ca faisait des semaines que je me sentais oppressée mais ce matin là c’était plus que d’habitude. C’était une douleur qui irradiait la poitrine, la gorge et la mâchoire. Et j’étais prise d’une très grosse fatigue. Je suis allée au travail malgré tout, j’ai pris sur moi. Je n’en ai pas parlé à mon équipe mais étonnement je ne m’étais même pas coiffée ni maquillée – ce qui ne m’arrive jamais d’habitude. J’ai fini par contacter mon médecin qui ne m’a donné qu’un rendez-vous à 18h. Il n’était que 9h du matin… J’ai fini par rentrer chez moi. A 12h02, j’ai essayé de la rappeler mais je suis tombée sur le répondeur alors je me suis enfin décidée à faire le 15. Une femme médecin est arrivée quelques minutes après et j’ai été conduite à l’hôpital. Après de nombreux tests, on m’a posé six stents. Quelques jours plus tard j’ai rappelé mon médecin qui ne s’était pas inquiété de ne pas me voir à notre rendez-vous de 18h. Lorsque je lui ai annoncé ce que j’avais eu, elle s’est exclamée « oh merde ! »…»

Et le phénomène est loin d’être rare. Il s’agit en réalité de la première cause de mortalité féminine après 55 ans. Si une femme sur vingt-six meurt d’un cancer du sein, une sur trois succombe à une maladie cardiaque. Pire, les faits touchent de plus en plus les jeunes femmes puisque l’on compte 10% de cardiopathies mortelles chez les 25-44 ans d’après la Fondation Recherche Cardio-Vasculaire. « Plusieurs nouveaux facteurs sont en jeu dans notre société actuelle, précise Catherine Llorens-Cortes, directrice du laboratoire Neuropeptides centraux et régulations hydrique et cardiovasculaire. On a des vie beaucoup plus actives et stressantes dues, d’une part, à l’activité professionnelle mais, aussi, à toute la prise en charge de la famille qui est, dans la majorité des cas, à la charge de la femme. Il y a également d’autres facteurs comme le manque de sport, le tabac, la pilule… » Mais la médecine aussi accuse un véritable retard dans l’étude des maladies chez les femmes.

Danièle Hermann a été jusqu’à sa disparition en 2014 la voix de toutes ces femmes. Atteinte par un microbe sur le coeur à 8 ans, elle souffrira toute sa vie d’insuffisance cardiaque à cause d’une embolie pulmonaire. Elle subit alors une première opération à coeur ouvert jeune par le professeur Alain Carpentier puis une seconde. Choquée par le nombre de femmes qui succombaient de maladies cardiaques, elle décide de commencer des études de médecine. Si elle ne devient pas médecin, son « diplôme de patiente » l’encourage à se battre pour la cause féminine et à créer an 1979 l’association Recherche Cardio-vasculaire qui deviendra ensuite une fondation à l’Institut de France en 2001. Pourquoi ? Parce que, outre le fait que la prise en charge des femmes soit limitée à l’hôpital et chez le médecin, en amont, les recherches genrées étaient quant à elles quasi inexistantes.

En effet, avant que la Fondation ne voit le jour, les recherches cliniques se portaient essentiellement sur le coeur des hommes et n’avaient donc pas mis au point un traitement spécifique à celui des femmes. Concrètement, d’un point de vue expérimental, les recherches se faisaient sur des animaux mâles et sur le plan clinique sur les hommes. Or, les symptômes étant différents, il était impératif de mener des recherches différentes, accès selon si le patient est doté des chromosomes XX (une femme) ou XY (un homme). « Le statut hormonal chez l’animal femelle entraine des variations de l’expression des cibles sur lesquelles le médicament va agir et donc on veut évaluer les effets, précise la Directrice. Par conséquent cela demande plus d’argent et plus de travail pour évaluer l’efficacité d’un médicament chez l’animal femelle par rapport au mâle. Le problème du statut hormonal se retrouve chez la femme, il faudrait alors réaliser des études avant la grossesse sans pilule ou avec, après la grossesse / avant la ménopause et à la ménopause. Or, comme le protocole des études cliniques demandent des groupes de patients dans la mesure du possible homogènes, il est donc plus facile de travailler sur des hommes que sur des femmes. » Un problème hormonal soulevé par Isabelle : « Mon infarctus est arrivé en juin mais il se trouve qu’en avril je me faisais retirer mon stérilet avec hormones. Ce qu’on ne sait pas, c’est que le stérilet « cache » des choses en maintenant les hormones et lorsqu’on le retire ça chamboule tout l’organisme et c’est là que tout ressurgit. »

Parce qu’il n’est nécessaire d’en parler autour de soi, la Fondation s’est associée à la marque de cosmétique Mixa. Le but ? Financer les recherches sur le coeur des femmes, faire connaître au plus grand monde ce manque de parité  (latent) en médecine et inciter chacun et chacune à être plus à l’écoute des autres et d’elles-mêmes.

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2 Commentaires

  1. Chantal Duplessis

    Un superbe article instructif qui révèle des choses que nous ne savons pas toutes forcément. On se rend compte qu’il y a encore beaucoup à faire pour que les femmes soient traitées comme les hommes, dans tous les domaines. Et la santé est une priorité. Bravo et merci.

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    • Nolyne

      Merci Chantal pour votre message et votre soutien !

      Réponse

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