Balbosté : la transmission culinaire et artistique entre la France et le Japon

par | Jan 21, 2021 | Cultures | 0 commentaires

Sayaka Kaneko et Charlotte Sitbon, fondatrices de Balbosté

Derrière cette cuisine d’une telle minutie qu’on en dirait de l’art, se cachent deux femmes aux univers et origines totalement différents. Charlotte Sitbon dit y aller par le culot, Sayaka Kaneko par les questions aux gens ou à Youtube. Elles aiment affirmer qu’elles forment à elles deux le yin et yang et ça marche. Leur travail est aussi beau que délicieux. Il fait chavirer autant les papilles que les yeux. Balbosté est cette union magique entre deux pays, deux cultures, qui fait de véritables étincelles. La notion de transmission est très importante dans ce monde rêvé qu’est Balbosté et ça fait le plus grand bien.

Les chips Balbosté – Crédit : Mashphotofilms

Charlotte et Sayaka, d’où venez-vous ? Qui êtes-vous ?

Sayaka : Je suis Japonaise. J’ai commencé ma vie professionnelle comme thérapeute pour handicapés à Tokyo puis en venant à Paris en 2006, j’ai travaillé pendant dix ans dans le marketing. Mais avec le temps, je cherchais de plus en plus à transmettre mon histoire et mes origines à ma fille. Donc je me suis mise à faire de la cuisine japonaise que je postais ensuite sur Instagram. C’est comme ça que Charlotte m’a contactée fin 2017. Je n’avais jamais travaillé comme cuisinière mais ça me semblait intéressant. J’apprends petit à petit. Je suis autodidacte. Je lis beaucoup de livre japonais sur la cuisine. Mais je ne fais pas que ça puisque l’on anime aussi des ateliers. Et je cherche également à mettre en avant l’art et le savoir faire japonais.

Charlotte : J’ai commencé ma carrière comme directrice artistique et un jour je me suis lancé dans le projet Balbosté. A l’origine, tout tourné autour d’un seul produit : le rouleau de printemps. Aujourd’hui c’est devenu notre produit iconique, on le revisite sous de nombreuses formes et on propose des ateliers. Mais à l’époque, j’ai commencé seule en postant des photos des rouleaux que je réalisais chez moi. Et ça a pris très rapidement. J’ai développé pleins de recettes pour des particuliers et ensuite des professionnels. Puis c’est vite devenu un calvaire car à gérer seule c’était très compliqué avec des commandes de 50 ou 100 rouleaux, pendant un an et demi.

Pourquoi le rouleau de printemps particulièrement ?

Charlotte : J’ai commencé à en faire il y treize ou quatorze ans quand j’étais étudiante et jeune travailleuse. Je commençais dans la communication et faisais beaucoup de sport. Et pour moi le rouleau c’était le truc facile, healthy et pas cher à faire. Je combinais plein de trucs, avec des associations très étranges. C’était mon échappatoire dans mon studio de 18m2. Parfois, on faisait des soirées rouleaux avec mes copines. A aucun moment je pensais un jour à en faire mon métier mais la genèse de Balbosté, c’est ça.

Que signifie « balbosté » ?

Charlotte :  en yiddish ça veut dire « la maîtresse de maison » ou « la femme forte » donc ça colle autant avec le passé et le présent. A l’époque, c’était la femme qui restait à la maison mais qui avait énormément de choses à faire. Maintenant, la femme a autant de charges mentales et on attend d’elle qu’elle soit aussi forte.

Sans le savoir, tu es tombée dans le monde du catering ?

Charlotte : J’avançais à tâton. J’adorais penser l’aspect image, identité visuelle en parallèle mais c’est vrai que très rapidement je suis devenue traiteur. Il a fallu que je monte un business plan. Je faisais de plus en plus de prestations et j’ai eu besoin d’aide. Avant Sayaka, j’ai rencontré cinq, six personnes dont certaines qui ont été très importantes dans le lancement de Balbosté. Mais c’est vraiment à son arrivée que l’on a commencé à étoffer notre carte et à penser au message que l’on voulait véhiculer.

Justement quel est ce message ?

Sayaka. Quelque chose de beau et d’esthétique. C’est important pour nous et c’est surtout la partie de Charlotte. Et j’ajouterais aussi l’importance de la transmission. J’avais vraiment à coeur de transmettre la culture japonaise en l’associant au savoir faire français. Chez Balbosté, on cherche à valoriser l’artisanat, le sens qu’il y a derrière et à prendre le temps de regarder ce qu’il se passe autour de nous.

Charlotte : On cherche aussi à véhiculer un message d’espoir en essayant d’être les plus éthiques possible tout en vendant un peu de rêve. Notre univers est un peu régressif.

Vous êtes très engagés chez Balbosté notamment dans le choix de vos ingrédients ?

Sayaka : Oui ! Par exemple, je fais notre propre miso. C’est un gage de qualité car lorsqu’il est fait maison, le miso est unique et a son propre goût. C’est important de le faire à mains nues car il va s’imprégner de nos propres (bonnes) bactéries. Mais avec ce qu’il se passe c’est embêtant, je n’aime pas car avec les gels désinfectants ça casse tout. De plus, je fais très attention au choix de nos ingrédients car c’est important de prendre conscience de ce que l’on mange, en fonction de nos besoins, des saisons, de notre santé. Par exemple, quand je cuisine les mochis, j’aimerais utiliser les ingrédients du Japon mais d’un point de vue écologique et économique ce n’est pas toujours bien donc j’essaie de trouver des alternatives bonnes et saines en France. Donc je prends du riz de Camargue, du sel de l’Ile de Ré ou des haricots blancs bio. Pour nos pots de pickles, on fait nos courses tous les matins chez notre maraicher, on choisit chacun des légumes et on opte que pour le local.

Charlotte : Oui on fait très attention. Tout n’est pas bio, car ce n’est pas possible mais on essaie d’acheter local. Et on est vigilantes aussi sur nos emballages. Les boites de nos cristaux sont faites notamment en région parisienne. On ne voulait pas de made in China.

Les pickles Balbosté – Crédit : Mashphotofilms

L’univers Balbosté est très beau, très bien pensé. C’est quelque chose qui compte pour vous ?

Charlotte : Au début de ma carrière, on m’appelait souvent la « crafteuse » car on ne savait pas vraiment ce que je faisais car je n’avais pas de team, j’étais seule et je faisais un peu de tout. J’adorais dénicher les nouveaux talents, les nouveaux photographes, les nouveaux illustrateurs. Ce côté électron libre n’était pas toujours compris et ça m’a un peu bloquée dans l’évolution de ma carrière. En parallèle, j’avais lancé anonymement un blog avec une amie qui s’appelait « crafteuse daily » dans lequel on référençait les meilleures tendances art et typo. Tous les directeurs de création le connaissaient mais n’avaient pas fait le lien avec moi. Depuis, j’ai lancé tomber le blog mais j’ai gardé cette approche dans Balbosté à travers les packagings. On fait aussi beaucoup de veille créative et aujourd’hui on développe la mise en avant de marques et d’objets raffinés. L’arrivée de Sayaka a permis d’enrichir mon spectre créatif.

Sayaka. J’ai par exemple fait découvrir à Charlotte la tradition des animaux tressés porte-bonheur de Yoshida, mon village d’origine dans la préfecture du Shimane. Cette tradition a failli se perdre mais maintenant, trois fois par semaine, un groupe de femmes se retrouvent pour tresser des tiges de riz et perpétuer l’art du Wara Zaiku. Aujourd’hui, je suis fière que l’on puisse se les procurer dans notre boutique.

C’est parfois tellement beau qu’on n’ose pas manger !

Charlotte : c’est très japonais de rendre tout beau. Tout est magnifié. Même un bol de riz est servi comme si c’était quelque chose d’exceptionnel. Nos pickles par exemple plaisent beaucoup parce que c’est très joli, très visuel, mais pour les Japonais c’est normal.

Sayaka : Oui, les pickles n’existent pas au Japon mais ma mère décorait souvent nos plats avec des légumes sculptaient en fleur. Chez nous, c’est normal. Ca n’a rien à voir avec l’art.  Mais ici oui. Alors on mélange les deux cultures. Et encore une fois, c’est ce que je veux transmettre à ma fille. Plus tard, je veux qu’elle se dise en faisant de la cuisine « Ah, ça c’est ma mère ! »

Quels sont les projets  venir ?

Charlotte : Déjà nous sommes ravies d’avoir notre propre espace, avec notre propre cuisine donc on va savourer cette chance. On continue les beaux projets et les partenariats. Et surtout, on développe pas mal les ateliers qui étaient en physique mais on s’adapte et ils sont disponible sur zoom maintenant !

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