Ivan : «Un carnet blanc, c’est cool, tu peux te l’approprier. C’est un livre à toi»
Ivan – Crédit : Presse
Un tas de feuilles cerné d’une scie, d’un serre-joint, d’une règle et d’un pinceau. Des mains qui le saisissent et qui le placent entre deux plaques de bois. Puis des mesures sont prises, des traits sont marqués sur la tranche, des entailles sont faites. Ces scènes fascinantes, découvertes au détour d’un post Instagram, finissent par révéler un carnet vierge réalisé entièrement de façon artisanal. Au bout de ces mains se trouve Ivan, un artiste et touche à tout, au sens du partage hors du commun. Rencontre.
Salut Ivan, qui es-tu ? Que fais-tu ?
J’ai toujours était un créatif. Je dessine, je réalise des illustrations. J’ai fait mes études d’art à l’école des Arts déco à Strasbourg. Là-bas, j’ai découvert la sérigraphie et l’art de la reliure. Ca m’est toujours resté. Et en 2011, j’ai lancé mon propre magazine intitulé « Carnet d’ivoire » que je fais de A à Z.
Tu fais absolument tout toi-même ? Quel est le lien avec ton parcours d’artiste ?
J’aime connaître le cheminement des choses et j’aime surtout aller jusqu’au bout de ce que j’entreprends. Comme c’est un magazine indépendant, je n’en sors qu’un par an dans un nombre limité. Ca me permet de suivre des artistes sur le long terme, de vraiment cerner leur travail. Je trouve que ça donne une âme au magazine notamment aussi parce que la démarche est vraiment sincère. A l’époque, j’avais eu la chance que le deuxième numéro soit vendu chez Colette.
Des interviews à la mise en page en passant par la direction artistique, c’est toi ?
Oui mais je fais aussi des collaborations avec des artistes et des illustrateurs. J’ai monté avec ma bande de potes un collectif qui s’appelle Ivoire Publishing et qui comprend aussi bien de la vidéo que de la sérigraphie, du travail du textile ou des illustrations. Là en ce moment, on bosse sur un docu sur les passionnés du Tmax, le scooter. On est allé très très loin dans notre délire. On a notamment interviewé Gérard Depardieu ! Et on a tout fait nous même. Image, graphisme, musique… Tout.
Le collectif Ivoire Publishing
Pourquoi tout tourne autour de l’ivoire ?
C’est en lien avec la Côte d’Ivoire un peu oui mais à la base je voulais faire un magazine d’art et de mode autour de la France et de l’Afrique. J’ai la chance d’être métisse. Ca me permet de jongler avec toutes les cultures. Il y a tellement de talents et d’artistes là-bas qui mériteraient d’être plus connus encore ! Et puis j’utilisais pour le magazine un papier particulier, le centaure ivoire. La boucle était bouclée.
Je t’ai découvert sur Instagram via cette vidéo de toi en train de confectionner un carnet. Quelle est son histoire ?
J’aime partager. Je pense que tout le monde à le droit à la qualité. Je suis convaincu aussi qu’on aura toujours besoin d’écrire ou dessiner des choses sur le papier. Le numérique ne fait pas tout. L’action même de prendre un carnet pour le remplir a quelque chose de sacré. Un carnet blanc, c’est cool, tu peux te l’approprier. C’est un livre à toi. Et de l’autre côté, je voyais toutes ces feuilles vierges mais abandonnées chez le gens. J’ai donc demandé à mes proches de me donner toutes les feuilles qu’ils n’utilisaient pas pour que j’en fasse des carnet. Et comme j’avais appris la reliure et que je fais de la sérigraphie moi-même, je me suis lancé.
En quoi est-ce important pour toi de continuer à faire tout ça toi-même ?
Il faut continuer de créer de livres, il faut continuer les impressions, c’est important. Mais il faut revoir notre manière de faire. J’ai travaillé pendant un temps dans le milieu de l’édition et la consommation de papier peut faire peur. La moindre erreur et tout est envoyé au pilon ! Il faut revoir notre façon de consommer en instaurant plus le partage de livres par exemple. Mais en tout cas, il faut produire bien et mieux. C’est pour ça que je fais tout moi-même, ça a plus de sens.
Ca prend combien de temps ? Quelles sont les étapes ?
Mine de rien c’est assez long ! C’est difficile de mettre un temps précis mais pour les cinquante-cinq carnets j’ai mis environ deux semaines. Pour la couverture en sérigraphie, je me sers de ma banque de données que j’ai alimenté avec le temps avec tous mes dessins. Je travaille avec Simon Thompson artiste et meilleur sérigraphe selon moi. Une fois que j’ai récupéré les feuilles, je les massicote pour préparer les feuilles au format A5. Quant à la reliure, c’est la technique du dos carré collé. C’est très répandu en imprimerie mais je fais tout à la main et je renforce la reliure en créant de petites incisions pour intégrer des morceaux de fil. Cela permet de fortifier et d’avoir un carnet qui tient sur le long terme.
Il est possible de se procurer l’un des carnets d’Ivan via le compte Instagram @ivoirepublishing
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